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Journaliste ou pas
14 février 2009

Amanda Palmer : réconciliez-vous avec le freak qui sommeille en vous

Amanda_Palmer_by_Burns

« Y’a pas foule » dit Nico en se garant sur le parking du Bikini. Effectivement, ça n’est pas ce soir que la plus fameuse salle de concert de Toulouse sera comble. Sur la terrasse, quelques rockers patientent avant le concert, une cigarette dans une main, une bière dans l’autre. Un type coiffé d’une crête punk mais habillé tel Boy George dépasse Nico et ce dernier se pose la question : qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Et que va donner ce concert ? Il faut dire que Nico n’a aucune idée de ce qu’il va voir : « c’est un pote qui avait une place en trop qui me l’a proposé. Mais je connais pas du tout cette fille ». La fille en question, c’est Amanda Palmer, chanteuse du groupe cabaret-punk The Dresden Dolls. Elle a entamée une carrière solo avec l’album Who Killed Amanda Palmer ? sorti en novembre 2008.

Un projet piano-voix, enregistré dans la chambre de la dame, qui prendra une toute autre tournure lorsque Ben Folds, musicien et producteur australien, en aura eu vent. Emballé par les premières démos, il embarque le tout vers son studio de Nashville et gonfle la teneur sonore. Guitares, batteries et guests (East Ray Bay, des Dead Kennedy’s) font leur apparition sur les pistes sons tandis que Neil Gaiman, écrivain culte et geek (auteur d’une trans-fiction de référence : Neverwhere) empoigne stylo et appareil photo, apportant sa patte de conteur. D’album solo intimiste, Who killed… se transforme en opéra-rock baroque, tantôt furieux, tantôt dépressif. Le timbre de voix si particulier d’Amanda Palmer et ses notes de piano frénétiques saupoudrent l’ambiance d’une touche de Tommy. A l’écoute, l’album se révèle en effet comme un cousin du psychédélique opéra des Who. Sa version live bascule dans une autre dimension : sur scène, Amanda est seule avec son piano, accompagnée sur quelques titres par un violoniste. Avant son arrivée, quatre étranges personnages préparent le public à l’ambiance. Ce sont les australiens du Danger Ensemble, deux garçons, deux filles, qui la rejoignent sur chaque concert de la tournée. Costumes de mendiants du 18e siècle, sexualité ambiguë mais sauvage, n’hésitant pas à provoquer la chanteuse (les deux garçons titilleront les tétons d’Amanda « fuckin’ » Palmer lors d’un morceau) et le public (lors de «Coin Operated Boy », ils descendront dans la foule pour lui coller de gros smacks baveux, garçons ou filles, ils ne font pas de différence). Cette touche théâtrale décadente recentre l’univers sur le fameux show glam-rock The Rocky Horror Picture Show.

http://vimeo.com/2731212?pg=embed&sec=2731212

Nico se sent un peu déconcerté, mais avoue que l’atmosphère est suffisamment travaillée pour donner envie de s’y laisser glisser. Il se sent un peu à l’écart, car si la salle est loin d’être remplie - avec une capacité de 1500 personnes, on a l’impression ce soir qu’il y en a, tout au plus, 150 – le public présent est une armada de fans captivés. Glam-rockers bien sûr, mais aussi de vieux rockers pur jus, barbus et bedonnants, des jeunes aux cheveux longs en survets kakis mités de trous de joints, des petites nanas plus bourgeoise que bohême, et des couples de cinquantenaires se paluchant passionnément sans l’ombre d’une gêne pour leurs voisins, se rappelant probablement la fois où ils avaient assisté à un concert de David Bowie l’année de leur vingt ans.

Nico a un peu de mal à se mettre dans le concert : « A chaque intro, la fille te donne l’impression que la musique va partir dans un gros truc, mais la tension redescend trop vite. Ça a un côté frustrant, pour ne pas dire carrément chiant ». A côté de lui, un rocker en profite pour glisser : « il manque un batteur… ». Comparé à l’énergie de l’album, le concert a un aspect figé, le public planté droit comme un « i » en direction de la scène, brandissant un téléphone portable, shootant photos et vidéos à tour de bras. Un peu comme s’il savait que ce concert était une expérience trop rare pour ne pas en garder des souvenirs. De toute cette petite foule compactée devant la scène, seul un type ose, au bout d’une heure de concert, se lâcher. C’est sûr le titre « Guitar Héro », sommet de l’album qui peine ici à atteindre toute sa dynamique. Le type, un grand échalas dégingandé, saute en l’air, envoi ses bras au ciel, un fier sourire sur le visage durant quelques minutes… à la suite de quoi, il réalise que PERSONNE d’autre ne BOUGE. Son regard tourne hagard, comme s’il découvrait une réalité qu’il ne pouvait supporter. Et puis, finalement, il décide que toute cette histoire n’est pas son problème : il reprend sa danse, engoncé dans un monde personnel, libre d’être ce qu’il veut sans avoir à se soucier de ce que penseront les autres spectateurs. Et puis d’ailleurs, bien qu’ils n’osent faire le moindre mouvement durant les musiques, ces autres spectateurs éprouvent la même chose que lui. Chaque applaudissement, chaque cri déclamé entre deux chansons résonnent comme des remerciements chaleureux.

Mais ce n’est qu’au premier final qu’ils se laisseront aller : Amanda surprend tout le monde en entamant, en playback avec le Danger Ensemble, une chorégraphie débridée sur le hit de radio r’n’b « Umbrella » de Rihanna. Ce qui permettra aux observateurs de s’apercevoir qu’Amanda aurait bien besoin d’un coup de rasoir sous les aisselles. Après ça, elle reviendra pour le bis massacrer Jacques Brel, son « Ne me quittes pas » sans saveur, bouillie apprise à l’oreille, manquant de peu de foutre le charme du concert en l’air. Heureusement, elle fera une dernière apparition, sans micro, arpentant la scène de long en large en grattant un ukulele rouge sang. Nico reconnaît bien vite les notes : ce sont celles du « Creep » de Radiohead. En cœur, le public accompagne la chanteuse. Il se laisse bercer. Il est en accord avec son côté freak.

> BabaGlam

Le site de l'album (avec tout plein de vidéos à savourer) : http://whokilledamandapalmer.com/

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