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Journaliste ou pas

19 mai 2009

UNE HISTOIRE DU ROCK ET DU CINEMA

phantom_of_the_paradise


Du 2 au 30 juin, la Cinémathèque de Toulouse propose un cycle Rock et cinéma. L’occasion de se pencher sur cette aberration de la nature que sont les rockeurs cinéphiles.

 

Croisement dangereusement instable (et souvent non désiré) entre le sale gosse mal élevé et la tête de bois à jamais insatisfaite, le rockeur peut se révéler être un cinéphile tout aussi imbuvable et exigeant. Les deux espèces se confondent d’ailleurs souvent, formant une redoutable engeance prête à vous pourrir l’existence aussi efficacement que le feraient des ivrognes irlandais un soir de rugby. La Cinémathèque redoutait « une programmation piège » avec son cycle Rock et ciné. Sûr que le bébé aurait rapidement pu virer kamikaze explosif. Le premier réflexe du rockeur cinéphile sera d’examiner, l’œil féroce, l’ensemble de la programmation. Des tics agiteront son visage et des grognements menaçants s’échapperont de sa gorge alors qu’il pestera contre les films manquants, ceux qu’il aurait lui-même placé dans une interminable et incohérente playlist. Sans doute sera-t-il incapable de remarquer que la Cinémathèque de Toulouse a fait l’effort de construire sa tournée.

 

Never mind the bollock’s

« Une histoire du rock et du cinéma », divisée en trois chapitres. La chronologie y a son importance, tout autant que l’ordre des chansons dans un disque. 1ere époque : les débuts, lorsque le rock est cette matière nouvelle, incompréhensible et indécente. Une chose d’acquise, déjà, les gamins adorent. Autant dire qu’il y a du fric à se faire, et certains producteurs ne tardent pas à renifler le potentiel des rockstars (soit les Jailhouse rock et autres D’où viens-tu Johnny, pas toujours de bonne mémoire). Puis déboulent les cinéastes chez qui le rock se déverse directement dans les veines. Le cinéma rentre dans le vif du sujet, avec une urgence jubilatoire et insolente (Last waltz, Phantom of the Paradise – accessoirement le film rock ultime –, The Wall des Pink Floyd, Ziggy Stardust, One + One, Les idoles…). Dernière étape, de nos jours, alors que le rock est devenu ce classique qui n’effraie plus personne. L’euphorie des premiers temps retombe, comme au lendemain d’une fête qui a mal tournée (Last Days, de Gus Van Sant). Restent les cendres d’un passé brûlant (le biopic Walk the Line, 24 hour Party People, la bio éclatée de Dylan dans I’m not there), souvenirs ahuris de vieux sénile ayant brûlé ses ailes et ses neurones sur les sommets de l’ère électrique… sans regrets.

 

Lazy

Le rockeur, s’il est en plus cinéphile, prend alors conscience d’avoir incarné, quelques brefs instants, un aboutissement de l’humanité. Le branleur ultime et souverain. Peut-être en tire-t-il une certaine fierté. Mais il est tout aussi probable qu’il n’en ait absolument rien à foutre. Born to loose, comme le dit le film de Lech Kowalsky. Tel le Winslow Leach de Phantom of the Paradise, le rockeur cinéphile est une promesse non tenue, un génie broyé, son potentiel (quel qu’il fut) à jamais coincé dans l’ombre d’une salle de cinéma, ou perdu dans la masse grouillante d’une fosse un soir de concert. Condamné à rester un spectateur impuissant et flemmard… Et bien qu’il prétendra tout le contraire, il n’en est peut-être que plus indispensable à l’équilibre de l’univers.

 

Babayéyé

 

 

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20 mars 2009

Neurostimulateur 1

La défonce c’est pour pas devenir dingue
Ce sont ces mots qui vous accueillent. 
En lettres baveuses au-dessus de l’entrée de l’immeuble, couleurs délavées sur fond de béton gris.
Victor pense : j’serais jamais  vraiment un junkie, c’est juste que si j’me défonce pas maintenant, j’vais devenir cinglé.

 

L’immeuble recouvert de tags et graffitis du rez de chaussé à l’étage.
L’intérieur est un livre de phrases déconnectées les unes des autres. Vomissures de lettres partout dans le quartier, murs et sols hurlant des paroles sans voix, testament de pensées hurlantes léguées à des illettrés. L’immeuble haut d’une bonne dizaine d’étages, Victor grimpe les cages d’escaliers, junkies mous sur les marches, corps invertébrés poissant dans la nuit, lueurs gorgées de sang dans des yeux injectés. Odeurs de cendres froides dans l’air humide, chercher de quoi allumer un feu une fois arrivé au bon étage. Impossible, le bois a brûlé, plus de meubles a piller, rien que des murs et du sol et des matelas. Victor ne brûlera pas son matelas, s’y effondre dessus. Fallait rentrer à la planque, la nuit en mode éveil et plus de cachets à avaler. Un p’tit cachet allez, y doit bien en rester un. Poches vides. Devenir cinglé. Rien qu’un, pas besoin de plus. Tâte le neuro-stimulateur dans ses mains, le plafond de la planque qui veut lui tomber dessus. Victor, recroquevillé en chien de fusil, regarde les ombres danser leur vaudou sur le plafond, attend qu’il s’effondre sur ses os. Poussière grise du sol dans les reflets de lumière de la rue qui vient lui chatouiller les narines. Un éternuement et il s’entend hurler : « j’suis pas un putain de junkie». Rires hystériques en provenance des cages d’escaliers.
Mouvement de l’autre côté de la planque, amical c’est à espérer, donnez-moi juste un cachet et j’me tiendrais tranquille. Le son de pas lourds qui traînent sur le sol dans sa direction. Sid au-dessus de lui, droit et pincé, craquement d’une veste de cuir.
« Putain Victor… »
Victor exhale une grosse sueur. De la fièvre, c’est ça, ça serait pourtant si simple de la chasser. La langue pâteuse, voudrait parler mais a oublié quoi dire.
« …t’es un foutu paradoxe, mec. »
Impact des mots sous son crâne, détonation d’arme à feu, paradoxe, oui, il comprends.
Dire quelque chose, mais quoi, s’il te plait, allez, s’il te plait.
Sid accroupi, regard éteint, secoue les pilules dans sa main.
Doigts sous tremblote qui s’approchent, saisir la pilule, gober, avalée.
« Tu me dois trois tournées avec celle-là. Va falloir très vite te remettre au taff. »
Hochements de tête pour dire toute sa congratulation.
« Maintenant faut que j’y aille Victor, » Sid, regard penché vers le neuro-stimulateur continue, « passe pas trop de temps là-dedans, vaut mieux que tu t’y mettes le plus tôt possible »
Ouais, ouais, ouais, Victor approuve vigoureusement de la tête, Victor pense : j’vais déjà mieux, j’te laisserai pas tomber, mec.
Sid a déjà quitté la pièce. Victor est content, il sait qu’il est déjà en pleine redescente.
La voix de Sid sous son crâne : « les gens changent Victor. Ce qu’il y a avec toi, c’est que  t’es resté le même que quand on avait quinze ans ».
Victor se redresse, s’attend toujours à trouver quelqu’un d’autre que lui ou Sid à la planque. Personne. Du mal à s’habituer à être seul. Souvenirs de poitrines et de fentes humides échangées durant de nombreuses nuits avec la bande de potes. Odeurs de sécrétions vaginales sur son matelas, libido en plein montée érectile. Où sont tous les potes bordel. Sid les cherche dans la rue, tout le monde doit un petit quelque chose à Sid, tous accros à sa came, Sid qui fournit sans que l’on sache s’il s’agit de biz ou s’il veut tout simplement garder ses potes auprès de lui encore un peu. Victor pense : Sid serait-il capable de me buter si je faisais pas le taff en échange des cachets ? Ouais, et même qu’il serait capable de pire. Une main sur le neuro-stimulateur, rien qu’une simulation et j’serais moins seul. Même l’envie de baiser est passagère. Non, non, descendre filer un coup de main à Sid, c’est ce que tu dois faire.
Le cachet se dissout dans son ventre.
Victor à mâter le plafond de la planque se dit : j’me sens mieux.

Dehors.
Animaux à deux pattes titubant en direction du son de basses lourdes dans les locaux du concert.
« Les gens changent… », toute la bande désintégrée au réveil, Sid et lui seuls survivants de l’amitié de groupe. Sid qui deale à l’entrée du concert lui adresse un signe de tête. Tout fier d’avoir tenu sa promesse, Victor est impatient de se mettre au taff, va voir Sid, repart avec des sachets de pilules. Laissez-venir à moi les affamés. Pensée taguée dans sa mémoire. Fragments de vie sous forme de sacs d’os en approche, mains tendues bien en avant. Ouais, mais attend voir, qu’est ce que toi tu as à proposer ? La nuit s’annonce bien, les fantômes le quittent un à un après avoir pris leurs doses, ombres silencieuses s’engouffrant vers le sous-sol des locaux, guidés par le son des infrabasses, vibrations dans l’exosquelette pour une presque expérience de vie.
Victor se fourre les poches de quelques cachets à la barbe de Sid, continue à en glisser quelques autres dans des mains crasseuses, pas de charlatanisme, pas de blabla, c’est 100% approuvé et certifié, authentique shoot d’adrénaline, t’en croira pas tes gonades ma salope.
Puis, Victor descend les escaliers, sent l’appel des instruments, bleeps mécaniques saturés comme une machine qui tournerait plus rond. Instincts primaires toutes voiles dehors, noir, lumière, noir, stroboscopes tout-terrains pulsant dans son cerveau. Tout autour, forêt de visages fatigués, non pas vieux mais vieillis, peau creusée sous éclairages alternés, os saillants, forant pour s’extraire des corps.
Des tracts virevoltent au-dessus des têtes, se joignent à la danse, mains en l’air, bras animés de mouvements disloqués, flyers voltigeant, réclamant d’être lus : les récits et rapports des derniers attentats au Mur d’Enceinte. Tous les soirs, de nouvelles aventures, de nouvelles explosions, ka-boum, et le Mur qui ne bronche pas, pousse des ricanements à la face de tout le quartier. S’il vous plaît, s’il vous plait…arrêtez-les chatouilles…s’il vous plait.
Les tracts veulent être lus pour prouver qu’ils existent.
Victor sait déjà ce qu’ils ont à dire.
Les affamés des pilules tout autour de lui, qui l’ont suivit depuis qu’il est entré dans la salle. Mémoire sélective des accros : tous savent que Victor bosse pour Sid, sensation d’invincibilité dans ses veines. Personne ne s’attaquera à Victor parce que personne ne s’attaque à Sid. Sid a un nom et il en a coulé sous les ponts depuis que Sid a essuyé son dernier affront. Victor se rejoue les souvenirs de bagarres de Sid, les foules de spectateurs amassés pour le voir rétamer le futur estropié qui l’a provoqué. Victor regarde les tracts autour de lui, feuilles libres voletant en colimaçon, en saisit un, le froisse et le jette.
Face à lui, scène de musicos baignant dans un écran de fumigène, accords de guitares faisant écho à la lourde ligne de basse, elle-même survolée par d’angoissantes nappes de synthé, fracas métalliques de bruits préenregistrés, puis la batterie, une-deux, une-deux et le rythme s’élève, crescendo de folie chez les danseurs excités qui sautent sur leurs pieds, ravageant une énergie qu’ils ne sont même plus censés avoir.
Les danseurs sautent et retombent sur leurs voisins, coudes bien évidence pour se faire de la place, danseurs délimitant leur territoire à coups d’épaules et vas-y que j’te pousse et que j’m’y mets et on finit par tous s’y foutre ensemble et le sang gicle en cercle au-dessus des têtes. Puis, redescente sonore, instruments au repos comme des armes suintant la chair d’ennemis terrassés et les danseurs essuient la sueur de sur leurs fronts, claquement de mains et cris braillards : on en redemande, plus, bordel, donnez-en plus. Victor, au milieu de la foule, une grosse montée de solitude dans les tripes, cherche un visage connu, quelqu’un n’importe quoi.
Victor pense :  hostilité.
Le mot  se répète  sous son crâne.
Les accros des cachets s’accrochent à lui, promesses à foison, allez mec, j’ferais n’importe quoi pour toi ! J’suis pas une putain de tantouze, dit Victor, mais j’serais pas contre une petite pipe…Et puis non, c’est juste les cachets qui parlent, sa libido en sursaut cataclysmique, sa queue qui a envie de dévorer du con.
Des tracts virevoltent autour de lui et lui rappellent l’odeur du corps de Kristel. Il finit de refourguer les pilules Sidiesques, s’en met encore un peu de côté, fait quelques pas en arrière, hors de l’amas gigotant son vide à qui mieux mieux alors que les musicos prennent à nouveau l’assaut. Trébuche sur des caisses empilées derrière lui. Victor balance une insulte, se relève, envoi son pied dans les caisses pleines de…quoi ? des flyers.
Victor pense à voix haute : putain.
Non.
Pas des flyers.
Des livres.
Des caisses et des caisses de livres entassés les uns sur les autres.
En saisit un, plisse les yeux pour déchiffrer les mots, imprimés sur des pages en versos de vieux tracts recyclés. Le titre «Voyageur d’illusions » avec, en dessous, minuscules, les caractères : Révélateurs.
Victor tord le livre dans sa main.
Evidemment que oui, fallait s’en douter.

 

La tête qui tourne, le cerveau qui quitte les locaux du concert, opérant son retour en arrière.
Victor se laisse faire.
Victor veut se souvenir.
L’odeur de Kristel revient dans ses narines chaque fois qu’il se souvient.
...

Bababrain

6 mars 2009

Sforzinda

                                                                                 

Il n’y avait pas de cadavres sur la route mais une route sous des cadavres. Notre Jeep roulait à vive allure à travers des vestiges de champs et de villages, les pneus flirtant avec la poussière, écrasant des corps fraîchement coupés. Les églises avaient été pillées puis brûlées, les maisons un instant remplies de cris puis vidées de leur vie. Le pays subissait un génocide sans précédent. On creusait la terre pour y entasser des épluchures humaines, dans le secret espoir que jailliraient un jour des arbres sans fruit. Devant ce funeste spectacle, les fleuves fuyaient vers la mer et la mer vers une terre meilleure. C’est à cette période que tomba l’info sur « Sforzinda », ma seule porte de sortie.   

Deux semaines plus tard, j’engageai Nfuré, un jeune du quartier, qui allait me servir de guide. Nous quittâmes Port Moresby au petit matin, laissant derrière nous une ville moribonde. La route s’annonçait longue et la destination incertaine. Nous cheminions depuis plusieurs heures quand Nfuré me tendit un bandeau et me fit signe de le porter à mes yeux. ÉCRAN NOIR. Nos sens opèrent comme des fourmis bâtisseuses ; lorsque l’un faiblit, il est supplanté par un autre. L’ouïe remplace la vue, le nez devient l’œil. À présent, je vois des sons au kilomètre à la ronde. Je sens les bruits de pas de mon jeune compagnon, j’entends ma respiration cahotante. Je respire l’odeur rêche de la terre et je sens le murmure du soleil qui me brûle la peau. J’entends le temps qui passe…

***

Nfuré me tape sur l’épaule, je me dévoile les yeux. Nous sommes au bord d’un précipice. Sous nos pieds, des crêtes d’arbres touffus forment une mer verte agitée par le vent.  Le soleil décline au loin sur l’océan comme une orange sanguine. J’interroge du regard Nfuré qui m’indique de la main la forêt. Lui ne s’aventurera pas plus loin. « Si je ne suis pas revenu d’ici l’aube retourne t’en. Et pas un mot sur notre petite expédition». Le gamin semble comprendre et acquiesce. J’entame ma descente par un chemin de traverse rocailleux, mettant ma vie en péril à chaque pas. Falaise–forêt–ruisseau–ciel–fatigue. Deux heures de marche me conduisent au pied d’un mur de pierres infranchissable. Le cul blotti sur une roche polie j’allume une cigarette histoire d’échapper à mes pensées. Entre deux nuages de fumée et une investigation nonchalante, je découvre un trou tapi derrière un buisson. C’est un tunnel qui débouche de l’autre côté (?). Je rampe une bonne heure dans l’obscurité avant de trouver la sortie.
Il fait tout à fait nuit à présent et dans les ruines où je me trouve il n’y a pas le moindre bruit. Non pas une impression de mort mais d’absence de vie. J’éprouve aussi la sensation désagréable de m’éloigner davantage de mon but. Des machines en décrépitude me renvoient à un passé industriel et laissent présager que des banderoles frappées de slogans utopistes ont fait à un moment leur apparition ici. Le hangar débouche  sur une rue parsemée de carcasses de ferrailles sorties tout droit d’un film de science-fiction. La route est bordée de hautes bâtisses éventrées, aux yeux tombés en lambris de verre sur le sol. L’endroit semblent sur le point de céder à ma présence. Un bruit me fait sursauter. C’est un banc d’oiseaux qui, alarmé certainement par mon intrusion, s’envole vers une lune informe. Sans ressource, je décide de prendre leur direction.

Ce tunnel-ci est plus court. En quelques minutes, je me retrouve dans une chambre vide. La porte est ouverte et dissipe des bruits de foule. De la vie enfin ! Mais l’idée de n’être plus seul me flanque la frousse. Que me réserve l’extérieur ? Un monde différent du mien sans doute hostile à ma présence. Ne ferais-je pas mieux de rebrousser chemin?

***

    C’est une grande place bordée d’édifices gothiques comme on en trouve à Prague ou à Barcelone. Une fontaine brûle en son centre et inonde les façades d’une lumière bleue évanescente. C’est le coeur de la ville où toutes les rues convergent. Un murmure festif me parvient depuis les hauteurs. Petit à petit la mélopée se précise et s’amplifie : des percussions accompagnées de cris de liesse.
Simultanément, les rues déversent leurs flots d’hommes et de femmes, ou plutôt d’arlequins et de monstres… quel étrange spectacle! La population est tout entière déguisée. Un bruit me tire de ma stupeur. C’est un mendiant épousant un mur qui décrie des gestes menaçants en direction de la foule. Un clodo ici ? curieux. Je ne m’attendais pas à rencontrer la misère à Sforzinda. Je m’approche et lui demande qu’elle est la raison de cette fête, mais pour toute réponse j’obtiens un regard réprobateur. « Vous sortez d’où ? c’est la Fête de l’Océan. Que voulez-vous que ce soit d’autre ? Cette même foutue noce que l’Orateur nous ressort chaque année pour nous lobotomiser ! » Le type commence à s’exciter et je préfère déguerpir avant qu’on me repère bêtement.   
Les boutiques en bordure de rue ne portent pas d’enseignes et proposent toutes la même chose : des déguisements. Je m’invite dans l’une d’elles. À l’intérieur, mille et un costume suintent des murs. On peut à peine se mouvoir. Le propriétaire est un vieil homme languide au teint cireux qui observe ma ridicule lutte avec son fourbi à la con. Un sourire pince ses lèvres. « Puis-je vous aider ? »
« Oui, je voudrais celui-là». Le visage blafard s’approche et me tend un masque blanc inexpressif qui fera parfaitement l’affaire. Au moment de passer en caisse, je réalise que je suis à sec. Paniqué, je coule un regard de chien battu sur le comptoir. Le vieux réitère son sourire douteux. « Rien ne presse, vous me le rapporterez plus tard».
Dehors, la place fourmille de singes, de pirates, de clowns, de nains, de… une main m’attrape par l’épaule et m’entraîne dans cette marée humaine en délire. Je me retrouve entre un gorille et un ours qui me prennent dans leurs bras à tour de rôle. Évitant de justesse l’asphyxie, je plonge au sein d’une ronde de danseurs africains (je déteste danser !) Cédant à leurs exhortations mon corps, poussé plus que charmé par la tonitruance de leur tamtam, se disloque à son tour, maladroitement. Nous entamons en choeur une descente débilitante vers la plage. À travers les deux petits trous qui me servent d’yeux, je remarque un homme qui me dévisage avec insistance. M’aurait-on démasqué? Il reste pourtant en retrait, rasant les murs, se suspendant aux balcons, s’adossant aux vitres, disparaissant puis réapparaissant. Je finis par m’habituer à sa présence et ne fais bientôt plus attention à lui.
L’océan se profile au loin. Une poitrine généreuse me tend une coupelle et m’invite à boire un étrange liquide à la cerise, ou quelque chose de similaire. Les choses tendent à se confondre, à s’entremêler, créant un délire de courbes et de couleurs. Le rythme du carnaval s’exacerbe et l’écume d’une transe incontrôlée pointe aux commissures de mes lèvres. Je lâche une perle.

***

Nous ralentissons. Grisés par la sueur et le labeur de la liesse. L’Océan ! Derrière moi Sforzinda, tel un corps anémique, déverse son flot d’hommes et  de femmes dans la mer. La mer qui à cette heure est un canevas noir percé de timides lumières, celles des bateaux en rut. Sur la plage, un homme cannibalement vêtu est perché sur une estrade. Il harangue la foule d’une voix électrisante qui déclenche une houle d’applaudissements idiots. Cet homme, je le reconnais ! c’est le pervers qui me suit depuis le début. C’est l’Orateur ! Une balafre coule le long de son vissage et son œil gauche est rehaussé par une virgule de chair boursouflée. Il est d’une effrayante beauté. Je cherche à me dissimuler sous l’aisselle de la foule, mais il a bondi à terre et se dirige vers moi, torche en main. Sa furie, aggravée par le reflet des flammes dans ses yeux, me tétanisa. (Excusez cette envolée lyrique doublée d’un passé simple qui n’a pas sa place ici). Je me cramponne désespérément à la trompe de mon voisin l’éléphant mais heureusement pour moi le prédateur oblique subitement en direction de la mer. Sur le rivage, le voilà qui immole une relique sainte. Aussitôt, une dizaine d’hommes encagoulés la portent à l’eau où elle entame une lente dérive. La foule se prosterne et –chose singulière– se tait à l’unisson. Très vite un silence, trahi par les crépitements du bûché, recouvre la plage, la ville, l’air.

***

    On me sort la tête du sable. J’ai l’impression d’émerger d’un sommeil de lendemain de fête. Le vieux costumier est penché au-dessus de moi. Il m’explique que je me suis endormi, qu’on s’est tous endormi, envoûté par les charmes soporifiques d’un silence parfait et que nous sommes revenus à la vie, purifiés. « À présent il faut laisser la mer accomplir son rituel sacré. Retournons en ville pour le banquet». Je me relève péniblement et suis la foule qui repart encalminée dans ses pensées. Je me rappelle m’être retourné et avoir cherché des yeux la relique embrasée, mais cette dernière n’était plus qu’un pâle point luttant –ou cédant– à l’obscurité de l’océan.
Les rues ont changé de décor : on a fermé toutes les boutiques, les gens ont retiré leurs costumes et m’apparaissent pour la première fois à visage découvert. Des visages rayonnants de nouveaux-nés. Des tables drapées de nourriture sillonnent les rues ; des guirlandes bleues, rouges, vertes et pourquoi pas jaunes, suspendues aux arbres, aux fontaines, aux fenêtres, aux lampadaires s’expriment dans un langage doux et tamisé. Une musique tijuanesque pleut sur toute la ville. Je réalise pour la première fois que les rues ne portent pas de noms, mais plutôt de petites céramiques figurant des animaux qui égayent les murs: il y a la rue du Tigre, la rue du Crocodile, la rue du Coq… Devant chaque porte d’entrée tout un bric-à-brac a fait son apparition : des tables, des lits, des armoires et des bibelots jonchent les trottoirs. Les maisons ont été vidées et les fenêtres laissées grandes ouvertes pour accueillir l’air sacré et purificateur du large.
On m’offre de la viande, du pain et de ce breuvage mystérieux que j’apprends à connaître. Je ne remarque pas tout de suite que le vieux vendeur a disparu. À mon tour, je retire mon masque dégoulinant d’émotions et déambule dans la cité, suivant le cheminement sans fin du banquet. Je pénètre dans une rue rougie par des cracheurs de feu ; plus loin, sur une petite place verte, un théâtre de foires s’est improvisé et de jeunes comédiens interprètent leur Molière local ; je dégringole un escalier bleuté par deux hommes qui s’embrassent sans se toucher et je déferle sur un jardin jaune où des mimes impossibles rappellent d’un doigt sur la bouche aux premiers éméchés qu’il faut se tenir tranquille. Je suis pris d’une lassitude heureuse, aussi les détails m’échappent et je cède à cette nuit trop grande pour moi.

J’aboutis à nouveau sur la plage. Derrière moi s’élèvent les dernières clameurs d’une fête sans fin. Un petit groupe d’aborigènes m’invitent à célébrer avec eux la résurrection de l’horizon. Ils me tendent une bouillotte dans laquelle crépite une herbe bleue. J’inspire puis recrache successivement quelques bouffées de cette fumée froide et inconnue.
Allongé sur le sable réchauffé par les lueurs de l’aube, je ferme les yeux un instant. Mes nouveaux amis continuent de converser, mais leurs voix, devenues indistinctes, finissent par disparaître. Je me souviens du bruit des vagues venant s’échouer sur le rivage, la caresse d’une petite brise sur ma nuque, la chaleur du soleil sur mon visage et ces couleurs dans ma tête qui plus tard me semblèrent comme une magnifique absence de noir…

Arrivé au large, je me suis retourné pour m’imprégner une dernière fois de « Sforzinda », que je savais ne jamais revoir. Mais la cité avait disparu sous un épais brouillard tel un rêve recouvre un autre rêve et l’anéantit. C’est alors que les choses ont pris sens et sans taire un sourire, j’ai continué de ramer.

J.

14 février 2009

Amanda Palmer : réconciliez-vous avec le freak qui sommeille en vous

Amanda_Palmer_by_Burns

« Y’a pas foule » dit Nico en se garant sur le parking du Bikini. Effectivement, ça n’est pas ce soir que la plus fameuse salle de concert de Toulouse sera comble. Sur la terrasse, quelques rockers patientent avant le concert, une cigarette dans une main, une bière dans l’autre. Un type coiffé d’une crête punk mais habillé tel Boy George dépasse Nico et ce dernier se pose la question : qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Et que va donner ce concert ? Il faut dire que Nico n’a aucune idée de ce qu’il va voir : « c’est un pote qui avait une place en trop qui me l’a proposé. Mais je connais pas du tout cette fille ». La fille en question, c’est Amanda Palmer, chanteuse du groupe cabaret-punk The Dresden Dolls. Elle a entamée une carrière solo avec l’album Who Killed Amanda Palmer ? sorti en novembre 2008.

Un projet piano-voix, enregistré dans la chambre de la dame, qui prendra une toute autre tournure lorsque Ben Folds, musicien et producteur australien, en aura eu vent. Emballé par les premières démos, il embarque le tout vers son studio de Nashville et gonfle la teneur sonore. Guitares, batteries et guests (East Ray Bay, des Dead Kennedy’s) font leur apparition sur les pistes sons tandis que Neil Gaiman, écrivain culte et geek (auteur d’une trans-fiction de référence : Neverwhere) empoigne stylo et appareil photo, apportant sa patte de conteur. D’album solo intimiste, Who killed… se transforme en opéra-rock baroque, tantôt furieux, tantôt dépressif. Le timbre de voix si particulier d’Amanda Palmer et ses notes de piano frénétiques saupoudrent l’ambiance d’une touche de Tommy. A l’écoute, l’album se révèle en effet comme un cousin du psychédélique opéra des Who. Sa version live bascule dans une autre dimension : sur scène, Amanda est seule avec son piano, accompagnée sur quelques titres par un violoniste. Avant son arrivée, quatre étranges personnages préparent le public à l’ambiance. Ce sont les australiens du Danger Ensemble, deux garçons, deux filles, qui la rejoignent sur chaque concert de la tournée. Costumes de mendiants du 18e siècle, sexualité ambiguë mais sauvage, n’hésitant pas à provoquer la chanteuse (les deux garçons titilleront les tétons d’Amanda « fuckin’ » Palmer lors d’un morceau) et le public (lors de «Coin Operated Boy », ils descendront dans la foule pour lui coller de gros smacks baveux, garçons ou filles, ils ne font pas de différence). Cette touche théâtrale décadente recentre l’univers sur le fameux show glam-rock The Rocky Horror Picture Show.

http://vimeo.com/2731212?pg=embed&sec=2731212

Nico se sent un peu déconcerté, mais avoue que l’atmosphère est suffisamment travaillée pour donner envie de s’y laisser glisser. Il se sent un peu à l’écart, car si la salle est loin d’être remplie - avec une capacité de 1500 personnes, on a l’impression ce soir qu’il y en a, tout au plus, 150 – le public présent est une armada de fans captivés. Glam-rockers bien sûr, mais aussi de vieux rockers pur jus, barbus et bedonnants, des jeunes aux cheveux longs en survets kakis mités de trous de joints, des petites nanas plus bourgeoise que bohême, et des couples de cinquantenaires se paluchant passionnément sans l’ombre d’une gêne pour leurs voisins, se rappelant probablement la fois où ils avaient assisté à un concert de David Bowie l’année de leur vingt ans.

Nico a un peu de mal à se mettre dans le concert : « A chaque intro, la fille te donne l’impression que la musique va partir dans un gros truc, mais la tension redescend trop vite. Ça a un côté frustrant, pour ne pas dire carrément chiant ». A côté de lui, un rocker en profite pour glisser : « il manque un batteur… ». Comparé à l’énergie de l’album, le concert a un aspect figé, le public planté droit comme un « i » en direction de la scène, brandissant un téléphone portable, shootant photos et vidéos à tour de bras. Un peu comme s’il savait que ce concert était une expérience trop rare pour ne pas en garder des souvenirs. De toute cette petite foule compactée devant la scène, seul un type ose, au bout d’une heure de concert, se lâcher. C’est sûr le titre « Guitar Héro », sommet de l’album qui peine ici à atteindre toute sa dynamique. Le type, un grand échalas dégingandé, saute en l’air, envoi ses bras au ciel, un fier sourire sur le visage durant quelques minutes… à la suite de quoi, il réalise que PERSONNE d’autre ne BOUGE. Son regard tourne hagard, comme s’il découvrait une réalité qu’il ne pouvait supporter. Et puis, finalement, il décide que toute cette histoire n’est pas son problème : il reprend sa danse, engoncé dans un monde personnel, libre d’être ce qu’il veut sans avoir à se soucier de ce que penseront les autres spectateurs. Et puis d’ailleurs, bien qu’ils n’osent faire le moindre mouvement durant les musiques, ces autres spectateurs éprouvent la même chose que lui. Chaque applaudissement, chaque cri déclamé entre deux chansons résonnent comme des remerciements chaleureux.

Mais ce n’est qu’au premier final qu’ils se laisseront aller : Amanda surprend tout le monde en entamant, en playback avec le Danger Ensemble, une chorégraphie débridée sur le hit de radio r’n’b « Umbrella » de Rihanna. Ce qui permettra aux observateurs de s’apercevoir qu’Amanda aurait bien besoin d’un coup de rasoir sous les aisselles. Après ça, elle reviendra pour le bis massacrer Jacques Brel, son « Ne me quittes pas » sans saveur, bouillie apprise à l’oreille, manquant de peu de foutre le charme du concert en l’air. Heureusement, elle fera une dernière apparition, sans micro, arpentant la scène de long en large en grattant un ukulele rouge sang. Nico reconnaît bien vite les notes : ce sont celles du « Creep » de Radiohead. En cœur, le public accompagne la chanteuse. Il se laisse bercer. Il est en accord avec son côté freak.

> BabaGlam

Le site de l'album (avec tout plein de vidéos à savourer) : http://whokilledamandapalmer.com/

9 février 2009

L'instant musical

Le temps grisâtre d'un lundi matin est une invitation à se plonger les oreilles et l'esprit dans la musique. Tandis que les nuages descendent sur les architectures froides des conurbations, connectez-vos neurones à la Toile :

http://www.dailymotion.com/CinqcinqTV

Cinqcinq, maison de production toulousaine, est encore toute jeune, mais ses artistes se distinguent du tout venant de la production locale. Pas de festif youplaboum comme nous sommes habitués à l'entendre dans la ville rose, mais des groupes aux univers musicaux fouillés. Fragile Architecture et son trip-hop glacé, Ina Cesco (devenir fou, en latin) et ses expérimentations électro-dubbesque, Afous-Afous et son rock oriental - électronique, cela va de soi. 

La CinqcinqTv permet de découvrir ces artistes grâce à diverses vidéos de concert, plutôt bien filmées et audibles.

> Babasound

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28 janvier 2009

Juste pour continuer dans la lignée des bourdes à l'italienne...

...car j'adore ça
Une infirmière italienne a été mise en examen pour avoir falsifié des dossiers médicaux. Elles photocopiait des résultats de patients sains et les envoyait à des patients qui auraient du consulter. La raison ? Elle voulait s'épargner une charge de travail trop importante... Ainsi, presque vingt patients ont été diagnostiqués d'un cancer et n'en ont pas été informés...

val

17 janvier 2009

On ne peut pas être leader si on est soporifique

Samedi, 10h, réunion-débat d’un parti politique grenoblois. 26 personnes présentes sur 150 invités, ambiance très studieuse. Le président discoure sur les problèmes régionaux : budget, JO 2018, rocade nord…

Au bout d’un moment, soupirs, bâillements, discrets raclements de chaises. Tout le monde regarde désespérément autour de soi dans l’attente d’une action quelconque. Quelques dizaines de minutes plus tard, toujours rien, hormis trois retardataires qui ont réveillé tout le monde en refermant la porte.

Une vingtaine de minutes encore, et l’attaché de presse commence à faire le pitre avec un appareil photo. L’audience entière le regarde avec reconnaissance, pendant que le président est passé au thème de la démocratie locale. Même l’élue, à sa droite, réprime un bâillement toutes les minutes.

Il est mignon, le président. Vieil homme droit, avec cravate-polaire et pantalon trop court. Il est sympa, en plus, et il a apparemment de bonnes idées. Quand il parle, ça fait comme un bruit de fond plutôt agréable. Pas de variations, toujours sur le même  rythme et sur la même note. On en vient à détester les oiseaux stridents et volubiles qu’on entend derrière la vitre. Quand je prends le président en photo, je dois enlever le flash. Ce serait comme la foudre sur un océan de tranquillité, incongru.

A l’inverse, son adjoint. Quand il prend la parole, il se lève, il parle fort, il prend à parti le public. Alors, tout le monde l’écoute, même si il déblatère des conneries du type : « on va manger une galette des rois pour mettre le peuple au régime des rois ».

Le président, il a sans doute de grandes compétences. Il est à l’origine de bons projets pour la ville. En tant que personne, il est agréable, avenant, souriant, poli. Simplement, il ne peut pas être leader. Il faudrait comprendre que ce n’est pas donné à tout le monde de diriger un parti. Et il faudrait comprendre que ce n’est pas donné à tout le monde de savoir communiquer, et pourtant, c’est indispensable. Et devine quoi, président, ça s’apprend !

val

14 janvier 2009

SIAMOISES

La caravane brinquebalait tant bien que mal sur le sentier de sable et de gravier. Son lourd moteur antédiluvien crachotait sur ses dernières années, transportant sur son dos un étrange tableau de famille. Maria et Marion, les deux soeurs siamoises se dévisageaient en chien de faïence. La cohabitation était difficile ces derniers temps. Elles entraient précocement dans l'âge ingrat et ne se supportaient plus. Mickey aurait tant aimé pouvoir les séparer l'une de l'autre, comme des parents normaux séparent, chacune dans leur chambre, deux soeurs se chamaillant plus que de raison.
Par moment, les cris et les pleurs étaient si intenses qu'il finissait par ne plus y être attentif . Il avait décrit ces sensations à Olivia comme une impression d'apnée. Comme si tout, les voix, ses gosses, le monde, était loin, hors d'atteinte.
Olivia s'envoyait de régulières doses de morphine pour empêcher ses nerfs de craquer. Maria et Marion n'acceptaient pas sa présence -ce qui n'était pas pour la gêner, l'idée de jouer à la bonne mère l'aurait horrifiée. Mickey était un homme largement au-dessus de la moyenne en ce qui la concernait. Jamais il ne l'avait battue et c'était à peine s'il la touchait. Elle savait que cela ne durerait pas, qu'il finirait par craquer mais, en ce qui la concernait, dix années passées à faire le striptease et la pute pour des péquenots d'arrière zone l'avaient anesthésiée de tout désir.
Une brusque tempête de sable força Mickey à immobiliser la caravane au milieu des dunes. Il se tourna vers ses filles et leur supplia de cesser leur vacarme. Celles-ci ne l'entendirent pas.
Elles n'avaient qu'un seul oeil chacune sur le monde extérieur.
L'autre était en permanence fixé sur celui de sa voisine, miroir auquel il était impossible d'échapper.
Mickey dévissa la bouteille de bourbon et s'en envoya une bonne lampée en travers du gosier. Les bourrasques de sable cognant l'habitacle avaient réduit toute visibilité à zéro. La lumière du jour ne pénétrait même plus dans la caravane.
Il n'était encore que dix heures du matin et Mickey aurait pu se croire par une nuit sans lune.
Olivia serra la ceinture autour de son bras et se shoota une nouvelle dose. Sa nuque partit en arrière se caller sur l'appuie-tête à mesure qu'elle appuyait sur le piston de la seringue. La montée, cotonneuse, était immédiate.
Mickey se retourna vers ses mômes:
"On va rester là un petit moment, d'accord, les filles?"
Maria et Marion n''entendirent qu'un brouhaha indistinct, et, dans la pénombre, ne pouvaient se voir que l'une et l'autre.
Mickey effleura la cuisse inerte de sa stripteaseuse, sa frêle créature qu'il avait rencontré dans le dernier cirque où ils avaient tournés. Elle avait une sale réputation, une réputation de chienne lubrique, de garce mensongère et de morphinomane. Mais Mickey n'avait vu en elle qu'une pauvre fille paumée à laquelle il avait succombé au premier regard. Depuis qu'Alicia était morte en mettant au monde ses filles siamoises, Mickey, trop honteux, n'avait plus jamais été en contact avec une autre présence féminine. Seule Olivia avait été assez compréhensive envers lui et ils s'étaient enfuis tous les quatre de ce cirque ambulant.
Mickey n'en était pas certain, mais il lui avait semblé apercevoir dans son rétroviseur une lointaine tâche de fumée noire qui semblait les suivre. Le numéro d'Olivia était vital pour la bonne marche pécuniaire de cet univers de délirium tremens. Sans doute, Monsieur Loyal et la Direction s'étaient-ils mis à leur poursuite.
Mais avec cette purée de pois dans laquelle ils pataugeaient, ils avaient probablement abandonnés.
Mickey se dit qu'il appréciait Olivia parce qu'elle ne le jugeait pas. Elle ne cherchait pas d'entourloupes comme toutes ces femmes qui se moquaient de lui. Avec Olivia, il n'y avait pas à jouer de jeu et il restait lui même. Le pauvre Mickey. Le père aux siamoises.
Cette fuite,  cette fuite loin du monde du cirque dans lequel il était tombé par dépit lors de la naissance de ses gamines, était l'occasion inespérée d'une nouvelle chance. Non pas de revenir au monde décent et convenable des gens normaux, mais de créer son propre univers, un univers où ils vivraient en sérénité.
Ne restait que le problème de Maria et Marion.
Si seulement elles pouvaient arrêter de se disputer.
Il fut un temps où il les avaient trouvées mignonnes. Jamais adorable, mais il avait finit par accepter leur sort. Ce qui était loin d'être leur cas.
Il les observa longuement se jeter à la figure, combat incessant au remède unique. Il fallait les séparer. C'était, se dit Mickey, leur souhait le plus cher.
Il n'avait rien de plus comme outil qu'un vieux couteau de cuisine émoussé mais, avec une nouvelle gorgée de bourbon, il se mit patiemment à l'ouvrage. Le sang vint tâcher ses habits et l'habitacle. Il se dit que cela partirait avec un peu d'huile de coude au nettoyage. 
Lorsqu'il en eut finit et que les cris s'éteignirent, Mickey du se résoudre à l'évidence.
Il refusait de sortir par un temps pareil.
Il attendit plusieurs heures que la tempête de sable retombe.
L'odeur des tripes et des boyaux lui piquaient le nez.
Olivia n'avait toujours pas relevé la tête du siège et ses yeux vagues dévisageaient le plafond d'un air perdu. Mickey s'assoupit, quelques minutes lui sembla-t-il, et lorsqu'il revint à lui, le soleil brillait fort, mettant en évidence les rigoles de sang qui avaient gerbé sur les parois. Il fouilla dans le coffre et dénicha une vieille pelle. Il eut l'impression de suer tout ce que son corps contenait d'eau lorsqu'il enterra les deux gamines. Après quoi, il s'accorda une cigarette, remonta dans la caravane et poursuivit sa route.
Le cirque devait faire de même et il était décidé à ne pas se laisser attraper.
Olivia redressa la tête et se prépara une nouvelle seringue. 

> Circus Baba

12 janvier 2009

La pelle de Genre-je

Ça luge vous près hante Genre-je. Il va nous suie ivre dents Sète avant Turc-long homme « blog… ou pas ». Genre-je happe arrêtera comptine humant sur vautré cran d’or dîne hâteur. Sam ici on, Kant à L, reste Inde et finie. Donc à des terres minées. L’haute heure sans gagea clarifier la situation et vida Mans.
Car Genre-je a un serre-visse avoue sous-maître : y sweat con laide arrhes couve rire lame et moire. Y ligne hors doux île vient, où il va, esse qu’il fée là. Je lui éperon mis deux lait dés et je comte tenir mon an gars je mens.
Le preux blême de Genre-je, sec il n’en c’est Pape Luce sur lui que vous. Os si vouvoie là dégat halles à égal ! Une nid parla m’aime ignorance.
Ré star constituer les maures sots du puzzle….. Le puzzle de la vie de Georges…Chaque pie est-ce haie un 1-10 qui nous rap roche rat un peuple us de l’allume hier.
Orée vous la pas-scie-anse naissait serre pour sauver Genre-je?
Sang d’août.

SB

12 janvier 2009

Goût du Gazole et soif de pétrole

Emportée par un souffle de vent brûlant, une feuille de papier volette jusqu’à la voiture. À l’intérieur, le regard désabusé, un type observe la station service vide. Ne reste que des tâches d’huile et des gouttes d’essence, oubliées, séchant paresseusement sur le goudron surchauffé. Alors que le moteur cahote avant de s’éteindre définitivement, poussant un gras soupir de gazole, le type se dit qu’il n’a pas besoin de lire ce papier qui trône, menaçant, juste derrière le parebrise pour se faire une idée de la situation. Ce doit être la deuxième ou troisième station qu’il se fait dans la matinée. Partout, des cuves vides, des pompes sucées jusqu’à la dernière giclée. C’était à prévoir, se dit-il. Il aurait du le prévoir. Se joindre aux cohortes d’automobilistes dévalisant les stations-services. Depuis des semaines, le pétrole augmente quasiment d’un dollar par jour. En quelques années, les prix ont doublés, puis triplés. Dans les rues, commencent à apparaître des carcasses de voitures abandonnées, des types cagoulés font du siphonage sauvage pour remplir le réservoir de leur monospace familial. Certains caïds revendiquent des stations encore valides comme territoire, vendant leur essence au prix fort. Personne ne l’a officiellement déclarée, mais la guerre du pétrole semblait partie pour durer, alors même que les réserves étaient vides. Les yeux fixés sur cette station désertée, il se dit qu’elle a déjà des allures de fossile archéologique. Il tourne la clé rien que pour écouter le gémissement poussif de son moteur. > Babavroum
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